14 janvier 2015

Evolution ? Révolution ? Rétrogradation ?



C’est curieux comme les choses évoluent.

Je suis tombé dans la marmite argentique il y a bien longtemps (j’avais 12 ans, j’en ai 56…faites le compte).
J’ai appris la photo dans un club, le tirage dans un labo qui n’était même pas chauffé. Après avoir appris, beaucoup, et ramé, beaucoup aussi, j’ai appris aux autres, pendant plus de 20 ans. Les heures dans le labo, le traitement des pelloches, les tirages, je connais donc pas mal. Et les produits chimiques interdits de nos jours.

Aujourd’hui, bien sûr, c’est le numérique qui l’emporte et beaucoup, comme nous, avons sautés le pas. Certains restent accrochés, d’autre découvrent l’argentique, plus comme une mode qu’un réel support artistique Il ressort même de vieux appareils, comme les Polaroïds (d’époque, remis en état et vendus une fortune !).

Il est vrai que le numérique a une matière que n’a pas le numérique. Toutefois, il suffit de passer quelques heures sous « toshop » pour arriver à un résultat bluffant. Tiré sur papier baryté, un noir & blanc numérique bien traité rivalise, et dépasse même, un tirage argentique « 100% ». Même les experts ne voient pas la différence (je l’ai maintes fois testé). Il est vrai que dans ce cas là, il ne faut pas travailler en « jpeg ».

La mode est surtout à l’argentique « raté ». C'est-à-dire aux effets et rendus, qui bien souvent à l’époque partaient directement à la poubelle : flous de bougés, film voilé par la lumière, forte granulation, flare, rendu du « pola », qui même à l’époque était très utilisé par certains artistes qui aimaient les brûler ou décoller la gélatine pour la coller sur un autre support.

Dans les fora et réseaux sociaux, il ne passe pas un jour sans voir des photos passées sous « Instagram » pour les « vieillir », au format carré (6x6), ou des traitements de rendus « rétro ».
Il est étonnant de constater le succès de ce genre d’image. Pas plus tard qu’il y a quelques jours, j’ai vu une demi-douzaine de photos « pola » d’une modèle qui remportait un succès inouï !
Alors que ce n’était que, techniquement, de simples photos faite devant un rideau, à la porté de n’importe qui …. Seule différence, c’était au « pola », pas au numérique. Dans ce cas, juge-t-on la forme ou le fond ?

L’argentique a un coût ! Chaque image fait gling sur la caisse enregistreuse ! : Prix de la pelloche, développement… alors qu’en numérique que vous fassiez 10 photos ou 300 photos sur la séance, le coût est exactement le même.

L’argentique apporte t’il vraiment un plus dans la démarche artistique ??
Oui et non.
Oui, s’il y a une réelle démarche artistique.
Non, si c’est juste pour faire comme tout le monde et se mettre à la mode. Ce qui est malheureusement souvent le cas.

Ce qui compte est avant tout l’idée et le traitement artistique de l’œuvre, et là aussi le monde a évolué, pas toujours dans le bon sens.

Combien ne voit-on pas, surtout sur les réseaux sociaux, de félicitations, d’avis positifs, voire même de « jouissance » devant certaines photos… vraiment nulles !!
Je dis « nulles » par expérience. Avec près de 45 ans de photographie, et donc de millions de photos vues, quasiment tous les styles, je pense avoir une vague idée de ce que peut être une bonne photo, du moins ayant un caractère artistique certain (bien que l’art ne soit qu’un concept, tout peut être « artistique »).

On a l’impression que les gens découvrent une image, comme une poule un couteau ! Quand on lit leurs avis, on se demande si un jour ils ont vus une vraie photo, tellement ils jubilent.
Devant une photo quelconque de nana à poil, ils s'exitent comme si ils découvraient ce qu’était un corps féminin… Quand ce n’est pas des avis sans aucun intérêt, et surtout « non photographiques ». J’entends par là des « hô ma chérie tu es superbe » et autres petits cœurs, quand ce n’est des avis purement sexuels (et misogynes)  sur le modèle lui-même (« quel beau cul » etc..).
JAMAIS une seule critique technique.

Quand je lis par exemple « Mais quel travail cette photo !! » alors qu’elle est d’une simplicité déconcertante : il fallait juste avoir l’idée – ce qui est déjà en soi le PLUS important - et être là au bon moment sur cette image, car techniquement n’importe qui pouvait la faire, même au « smartphone » ! On se pose des questions sur l’utilité d’une telle critique, à part de toucher l’égo du photographe, sur le plan photographique elle n’a aucun intérêt (je parle de la critique, pas de la photo). Enfin, c’est mon avis.

Je reste souvent dubitatif, dommage qu’il n’y ait pas de bouton « j’aime pas » quelque fois. Car inutile de donner un avis négatif, voire une simple critique, vous vous faites de suite incendier. On ne critique jamais un « artiste » !! J’en ai eu l’expérience et ayant le malheur de critiquer un jour un photographe de mode, ou du moins démontré la simplicité de la photo réalisée, à la porté de n’importe qui.

Comme disait déjà Nadar en … 1857 !! « La Photographie est une découverte merveilleuse, une science qui occupe les intelligences les plus élevées, un art qui aiguise les esprits les plus sagaces - et dont l'application est à la portée du dernier des imbéciles. » C’est d’autant plus vrai de nos jours, à la seule différence qu’elle est devenue tellement banalisée qu’on ne fait plus de différence entre une bonne et une mauvaise photo. Comme la bouffe. C'est la « Mac-DoPhoto ».

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